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Elle se soutenait à peine ; ses jambes tremblaient ; son cœur l’étouffait.

Tout à coup, l’accent d’une voix froide et claire la pénétra comme une lame.

— Eh bien ! sœur Sainte-Rose, vous vous oubliez, la demie est passée depuis six minutes.

C’était la voix de la supérieure. La jeune sœur balbutia quelques mots d’obéissance et pencha le petit sur sa mère pour les adieux. Elle sentit alors que la malade lui glissait un objet dans la main, et rencontra son regard, qui lui recommandait le silence. Puis, la pauvre mère embrassa les enfants de toute son âme, avec des larmes et des soupirs, qui eussent duré jusqu’à l’épuisement de sa vie, si la présence de la supérieure, quelques mots brefs qu’elle dit et son froid regard n’eussent tout refoulé. Dès que sœur Sainte-Rose fut hors de la salle, elle glissa dans sa poche, sans le regarder, l’objet que la mourante lui avait remis, et ce ne fut que le soir, dans sa cellule, qu’elle l’examina. C’étaient soixante francs en or, avec cette adresse : Julien Emaury, à Grenelle, rue du Marché, 20.

Tant d’émotions successives avaient brisé la jeune religieuse. Sa pensée, de quelque côté qu’elle se tournât, restait éperdue. La règle ! son vœu d’obéissance !… Déjà, combien elle avait gravement péché ! elle qui n’avait pas le droit de garder à elle sa pensée, qui devait tout dire, tout avouer, qui ne devait avoir en propre ni un sentiment, ni une volonté !…

Jusque-là, quelque honte et quelque tourment qu’elle en eût ressenti, elle avait