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la dernière fois. Sur les lèvres de la religieuse, adorant dans cette belle nature la gloire de Dieu, le sourire s’unissait à la prière. Elle sentait aussi dans son cœur un flot de bonté divine, et, lorsqu’elle cherchait à rêver les joies du ciel, elle ne pouvait jamais se figurer autre chose que les enfants auprès d’elle, dans ce jardin embaumé, sous ce beau ciel, au milieu des flots de cette ruisselante lumière.

Un jour, elle était là, assise sur l’herbe, et ourlant du linge, avec le petit sur ses genoux, tandis que Joséphine, en babillant, tournait autour d’eux ; — sœur Sainte-Rose parlait à Petit Jean d’une voix douce, et lui répétait les mots tendres qu’on chante aux enfants comme une musique ; — tout-à-coup, leurs yeux se rencontrèrent ; une lueur, éveil de la vie du cœur, brilla dans ceux de l’enfant ; il jeta ses bras autour du cou de sœur Sainte-Rose, et appuya sur sa joue deux petites lèvres, qui balbutiaient leur premier baiser.

Une folie de cœur la prit ; elle serra l’enfant dans ses bras, lui rendit mille caresses, et toutes les paroles passionnées qu’elle avait apprises dans ses prières, elle les lui dit comme à Dieu. Puis, à la fois tremblante de bonheur et confuse d’un si vif transport de tendresse, elle resta étonnée, craintive…

Ne venait-elle pas d’offenser Dieu ? Oh ! sans doute ! Il n’est point permis d’aimer à ce point la créature. Cet élan sublime que l’enfant venait d’exciter en elle, hélas ! le divin Époux jamais n’en avait été l’objet ! Elle joignit les mains alors, baissa le front, demanda pardon à Jésus et à Marie… Mais, en voyant le petit Jean, là, sur ses genoux, lui sourire, elle ne sut trouver du repentir.