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continua de fixer d’un regard vagué — qui émanait d’un iris bleu comme un ciel d’été — les nuages encore empourprés du couchant sur lesquels se détachait le délicat feuillage des ormeaux.

Comme toute paire de religieuses en tournée, ces femmes étaient l’une vieille et l’autre jeune. La vieille, une incarnation d’aigre-doux en chair et en os, replète, un peu lourde, aux traits jadis agréables, beaux peut-être ; mais qui empâtés d’inertie morale et intellectuelle, n’exprimaient qu’une pieuse maussaderie.

Sa compagne, mince, élancée, un peu maigre, avait cette blancheur trop diaphane, qu’on rencontre fréquemment sous ces coiffes jalouses de l’air, du soleil, et, secrètement, de la vie même. Les joues de la jeune sœur n’avaient pas cependant perdu toute couleur ; c’était un coloris de rose du Bengale, faible et doux. Ses yeux avaient une expression inconsciente de langueur, qui n’était pas de la tristesse ; la bouche, assez grande, et qui, sous prétexte d’un faux pas, s’ouvrit sur de belles dents bien rangées, gardait, malgré cette empreinte générale de mélancolie, quelques signes d’une jeune et rieuse vivacité.

Au milieu du silence, que troublait à peine le bruit du vent dans les feuilles et le choc précipité de leurs pas sur le sol, un gémissement vint frapper les oreilles des religieuses. La plus âgée tressaillit, serra son chapelet dans ses mains, et pressa le pas ; la plus jeune s’arrêta, et regarda autour d’elle.

C’était d’un champ, au bord de la route, que partait le gémissement.