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Dieu comme une croix, causait à la jeune religieuse un émoi profond, mais très doux.

Après avoir déshabillé l’enfant avec précaution et l’avoir posé dans son petit lit, elle se prit à le regarder. Il dormait paisiblement ; sa tête penchée sur l’épaule découvrait son petit cou maigre ; un souffle léger s’échappait de ses lèvres entr’ouvertes. Elle pensa que c’était grâce à elle qu’il dormait ainsi, grâce à l’aliment nécessaire qu’elle était enfin parvenue à lui procurer, et cela lui fit bondir le cœur d’une joie si vive !… Puis elle s’agenouilla sur son prie-Dieu, où, ce soir-là, sa ferveur alla jusqu’aux larmes ; elle qui parfois s’accusait de sécheresse, elle se coucha heureuse de tant aimer Dieu.

Au milieu d’un rêve étrange — elle était saint Vincent-de-Paul et recueillait des enfants abandonnés ; — un faible cri l’éveilla. Aussitôt, se jetant hors de sa couchette, elle courut près de l’enfant. Dans l’obscurité, que perçait mal une petite lampe en hâte allumée, l’enfant la prit pour sa mère ; il l’attira de ses petites mains, et collant sa bouche sur le sein de la religieuse, il s’efforçait d’écarter la toile dont ce sein était couvert. D’abord, toute saisie d’une pareille méprise, elle se recula ; puis, se remettant un peu, elle se rapprocha de l’enfant une tasse de lait à la main, en lui adressant des paroles amies.

À cette voix étrangère, il jeta des cris, et la repoussa. Vainement elle insista pour le faire boire : il semblait irrité de ne point trouver à sa portée,