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elle. Il trouvait cette femme fort malade. On laissa donc l’enfant à sœur Sainte-Rose, qui lui bâtit dans sa cellule un petit lit, tandis qu’une autre religieuse fut chargée de loger la petite fille.

C’est une erreur commune de croire que l’intensité de la vie dans l’être est en raison du nombre et de l’importance des événements dont l’existence de cet être se compose. Il est des gens que les circonstances les plus émouvantes laissent presque insensibles ; d’autres, à qui les faits les plus simples fournissent des émotions ardentes, — en ce cas, presque toujours secrètes. — C’est que la vie réside non dans l’objet, mais dans l’être même, qui pour s’épancher, au besoin, prendra tout prétexte : un roseau, à défaut d’un chêne ; la plante ou l’animal au défaut de l’humanité, au défaut du fait, le rêve. Les passions puériles, qu’on méprise et raille chez ceux que leur maigre destinée a privés de passions plus hautes, sont germes de même espèce, auxquels le sol a manqué.

Chez sœur Sainte-Rose, l’éducation compressive du couvent avait refoulé tout au fond, dans le secret de son âme, les facultés aimantes, d’autant plus timides qu’elles étaient plus tendres, — et si discrètes, que sœur Rose quelquefois n’eût su dire elle-même pourquoi le cœur lui battait si fort. Il en était ainsi ce jour-là, tandis qu’elle portait le petit enfant dans sa cellule. Cet embarras de l’avoir en garde la nuit comme une mère, — embarras que sœur Sainte-Angélique, par exemple, eut, d’une résignation aigrelette, offert à