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Feuilleton de la République française
du 4 octobre 1874



(17)[1]

MARIE LA LORRAINE

NOUVELLE

CHAPITRE IX

LA MALÉDICTION DU TRAVAILLEUR

Quand maîtresse Chazelles sortit de son évanouissement et qu’elle regarda autour d’elle, elle ne vit plus son mari ni ses enfants ; les soldats qui auparavant les gardaient, le fusil au bras, avaient aussi disparu. Elle vit seulement un homme debout près d’elle, qui, sans doute, venait de lui jeter de l’eau au visage, car il tenait encore une écuelle pleine d’eau à la main. C’était Bruckner. Elle détourna les yeux et murmura :

— Les enfants ! Mathurin !…

Puis, la mémoire lui revint de ce qui s’était passé, et tout à coup, d’un cri déchirant :

— Annette ! Annette !

Et elle voulut se lever, car elle se trouvait assise, le dos appuyé à la muraille.

— Minute ! minute ! maîtresse Chazelles ! dit Bruckner, fous n’êtes bas encore assez forte. Là ! ça fait dout de même te la beine te fous foir gomme ça, fous qu’étiez si heureuse audrefois. Eh ben, foyez tous, si ch’avais épousé Marie, tout ca fous s’rait bas arrivé.

— Laissez-moi, gueux d’Allemand, lui répondit-elle d’une voix indignée. Celui qui vient vivre dans un pays pour ensuite le trahir ; celui qui profite de l’hospitalité qu’on lui a donnée pour livrer les secrets du foyer qui l’a reçu, c’est un coquin, un Judas !

— Faut bas fous fâcher, maitresse Chazelles, c’est la guerre. À la guerre, ça se fait gomme ça. Fallait pas déclarer la guerre. Après ça, jene dis basqu’ça ne faisait bas notre affaire, buisque nous fou-

  1. Voir la République française des 9, 10, 12, 13, 14, 16 17, 20, 21, 23, 14, 26, 27, 30 septembre, for et 3 octobre.