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reposé de cette pensée : — Bonne journée ! Tant de fait ! — Mais il n’allait point se coucher sans avoir fait la ronde partout et surtout dans les étables, connaissant la négligence des domestiques. Pourtant, il n’en eut guère de mauvais, ne les brutalisant point, et les commandant par l’exemple. La nourriture également était bonne, et maîtresse Chazelles avait la réputation d’être fine cuisinière et de bien soigner son monde.

Certes, cette brave femme était pour beaucoup dans la réussite de leurs affaires. Malgré tous les enfants qu’elle avait, elle ne quittait guère l’ouvrage, se levait matin, se couchait tard, avait l’œil à tout, et faisait de tout, depuis le sarclage jusqu’à la couture. Et cependant, elle n’était point de celles qui prétendent n’avoir pas le temps de laver et débarbouiller leurs marmots : les siens étaient les plus propres qu’on pût voir, et habitués de bonne heure à faire usage de leurs mains. On les voyait, tout petits, déjà trier les semences ; car ce n’était pas Mathurin Chazelles qui eût semé de la nielle avec du froment, ni mis en terre aucun grain ou germe qui ne fût pas des meilleurs.

Il savait qu’il n’était pas perdu, le temps passé à faire ces triages. Mais les petits doigts de la maison en venaient à bout tout seuls, et cela de bon cœur et gaiment ; car, au lieu de les battre ou menacer, leur mère les payait, selon l’ouvrage, en prunes, en cerises séchées au four, ou autres friandises. Et tous ces enfants venaient beaux et de bonne humeur. Elle n’en perdit qu’un, d’un mal de gorge qui faisait grand ravage dans le pays.

Pour la laiterie, elle était maîtresse ; car là, c’est de soin et de propreté qu’il est question avant tout. On courait après son beurre et son fromage sur le marché, et ils se vendaient toujours quelques sous des plus que les autres.

Il y avait dix-neuf ans que maître Chazelles était au Bourny et il commen-