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— Oui bien, dit Louis ; mais nous avons mieux à faire en ce moment que de montrer que ce sont des canailles qui nous gouvernent. Si la France ne le voit pas, d’ailleurs, à cette heure, c’est qu’elle n’est capable de rien voir. Allons dans quelques maisons où l’on ne viendra pas nous chercher, et passons tout le reste du jour et toute la nuit, s’il le faut, à convenir de ce qui se peut faire. Demain nous agirons.

La plupart suivirent cet avis. Pour Chazelles, découragé, il revint au Bourny. Il marchait la tête baissée, vieilli de dix ans. Qu’est-ce qu’ils allaient devenir ? Il était comme un homme qui aurait tout vu s’écrouler autour de lui. Deux de ses enfants jetés dans la boucherie de cette guerre ; les autres, sa femme et lui-même, menacés des pires malheurs ! Ce bien, qu’il avait gagné avec tant de peine, par un travail de vingt-huit années ; ces champs, ces près, cette maison, ces vignes, tout ce cher petit domaine qu’il avait fait lui-même et qui, encore un peu de temps, allait lui appartenir tout entier, tout le but de sa vie, tout ce qu’il aimait, oui, qu’est-ce que tout cela allait devenir ?

Et puis encore, il avait cru — car les braves gens croient facilement à l’honnêteté — il avait cru à l’empereur. Il s’était dit : Voilà un homme à qui nous confions notre France ; il nous promet la paix, l’ordre, la prospérité, bien sûr qu’il tiendra parole ; car il doit être touché de notre confiance en lui. Et ce prince, au contraire, fait empereur par le peuple des paysans, venait, tant par