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ça devait arriver, il semblait à Mathurin que ça lui ôterait le cœur pour le reste de ses jours. Et il en aurait pleuré.

Il n’y tint pas et s’en alla un dimanche trouver son propriétaire, un bourgeois de Fouligny, pour lui proposer de renouveler de suite le bail pour 9 ans de plus, moyennant quoi lui, Mathurin Chazelles, s’engageait à planter sur le coteau une vigne qui augmenterait de beaucoup la valeur du petit domaine, et il continuerait d’améliorer le reste de tout son pouvoir.

Le propriétaire heureusement était un homme de bon sens, qui savait à quel fermier il avait affaire ; il consentit donc à un nouveau bail, toutefois en augmentant un peu le fermage, ce qui n’était pas juste à mon avis.

Néanmoins, Mathurin Chazelles s’y mit désormais de tout son courage, et comme si la terre lui eût appartenu. Il avait maintenant devant lui douze bonnes années, il ne voulait pas penser plus loin ; et, d’ailleurs, pendant tout ce temps, il espérait tirer de ses peines de bons profits. Tout de suite, il se mit à la vigne, et défricha le terrain tant de nuit que de jour, y courant aussitôt qu’il avait un moment entre deux ouvrages. Elle fut plantée l’automne suivant, et trois ans après commença à lui fournir un petit vin ronge excellent, dont il envoya jusqu’à Strasbourg et en Allemagne, et qui lui donna de plus de bonne piquette, outre le tonneau des fêtes et dimanches. En même temps, il avait planté son jardin de poiriers, pommiers, cerisiers, pêchers ; s’en allant le dimanche dans les bois avec ses enfants, dont il prenait souvent le dernier sur ses épaules, tandis que les autres trottaient menu derrière lui, il rapportait de beaux sauvageons qu’il greffait l’année suivante. Tout ça n’était pas sans rude fatigue. Mais, chaque soir, quand Mathurin s’asseyait enfin au foyer parmi les enfants qui venaient entre ses jambes, tandis que sa bonne ménagère tournait encore autour du souper, il se sentait content et quasi