Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/77

Cette page n’a pas encore été corrigée

vaillent non loin de là. Bientôt est préparée une ruche neuve frottée de miel où l’on fait tomber l’essaim, réuni en pelote autour d’une branche, et qui, se trouvant bien logé, consent à y rester. C’est le troisième essaim de l’année, et le plaisir de l’avoir heureusement retenu, car il y faut du soin et de l’adresse, a malgré tout réjoui les visages et délié les langues.

— Pauvres bestioles ! dit Chazelles, c’est tout ce qui nous réussit.

— Et ça porte bonheur, dit la petite Annette.

Alors, et comme chacun allait retourner à son ouvrage, on entendit un bruit sourd, grave et lointain : Boum ! Pais bientôt, un autre pareil, et d’autres encore. Tous deviennent attentifs. La mère, saisie, avec de grands yeux qui semblaient chercher à voir si loin, écoute et frémit.

— Qu’est-ce que c’est, père ? demande Pierre.

Chazelles, troublé, se tait, et François, d’une voix étranglée :

— C’est le canon !

— Si près de nous ! s’écrie Marie en pâlissant.

— Est-ce qu’on peut entendre d’ici en Allemagne ?

— Ça vient du côté de Forbach, dit Chazelles, et l’on dirait bien que c’est en par ici de la frontière. Après ça, je ne sais pas, car, pour notre bonheur, jusqu’ici nous n’avions jamais entendu ça.

— Est-ce loin, Forbach ? demande Annette en frémissant.

— Sept à huit lieues, dit Jérôme.

— Oh ! ce n’est pas assez loin… J’ai peur dit la fillette, dont les couleurs roses s’effacent, et elle se rapproche de sa mère et se cache dans ses bras comme un enfant.

— De quoi as-tu peur, petite, dit François, crois-tu pas que nos soldats vont être battus ?

— Je ne sais pas, moi,

— Allons donc, s’écrièrent les deux jeunes gars, quelle bêtise ! ils savent les gagner, va, les batailles, et nous en avons gagné autrefois contre bien plus d’ennemis que ça, tous à la fois, les Anglais, les Russes, les Autrichiens, les