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Jérôme, Justin et François écoutaient de toutes leurs oreilles, ébahis, quasi épouvantés, ce que disait leur ainé. Marie n’était pas fâchée de voir que Jacques, lui qui savait tant de choses, pensait à peu près comme Louis. Quand ils rentrèrent avec la charretée de gerbes, ils ne virent point le père venir au devant d’eux, et crurent qu’il n’était pas encore arrivé de Fouligny. Mais, en entrant dans la maison, ils l’aperçurent assis au coin de la cheminée, comme en hiver, et ne bougeant pas. La mère allait et venait pour le souper, pleurante comme une Madeleine. Quand elle vit Jacques, elle poussa un cri et alla se pendre à son cou. Puis elle cria : Justin ! et avec tant de sanglots qu’on crut qu’elle allait s’évanouir. Alors le père se leva :

— Allons, allons, femme, dit-il, faut pas manquer de courage, il en sera besoin. Pour moi, j’aurais mieux aimé perdre ma meilleure pièce de bétail que d’apprendre ce que j’ai appris aujourd’hui. Je n’aurais jamais cru ça. C’est égal, faut se tenir ferme. D’ailleurs, paraît qu’il n’y a rien à craindre : les Allemands seront battus ; c’est M. le maire qui me l’a dit comme une chose sûre. Toutes les mesures sont prises, à ce qu’il paraît, et c’est pour la gloire et le bien de la France, à ce qu’ils disent. Allons, au souper !

En même temps, il s’assit lui-même à table et, quoiqu’il eût parlé de ce ton ferme et qu’il fît effort, il ne put manger. La mère pleurait tout bas, n’osant san-