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Car il était mobile, ayant tiré il y avait seulement deux ans. Marie ne disait rien ; mais elle était triste et songeuse, pensant à Louis autant qu’à ses frères. Louis avait vingt-cinq ans, il ne tombait pas sous la loi ; mais si la guerre était si près du pays, ne s’en mêlerait-il point ? Tous enfin avaient au cœur le frémissement d’une chose inconnue, mais terrible. Ils ne riaient plus, et se parlaient presque bas.

Vers six heures, Jacques revint.

— Le père, dit-il, est allé jusqu’à Fouligny ; il ne veut pas croire à la nouvelle, et va s’informer chez M. le maire. Bien sûr, dit-il, c’est les rouges qui font courir ce bruit-là. Moi, j’ai trop l’idée que c’est vrai. Il répète encore sans cesse que l’empereur ne voudrait pas nous tromper comme ça. Ah ! bien oui ! pour ce que ça lui fiche !… Si ce n’est que ça qui en empêche…

— Tu n’as donc pas bonne idée de l’empereur, toi ? lui dit Marie.

— Ma petite, j’en ai trop vu pour ça, moi ; je connais le monde. Les grands, ça se moque des petits comme de rien du tout ; colonels, généraux, maréchaux, jusqu’à Badinguet, sauf votre respect, c’est tout la même chose. Et plus ça monte, pire ça est. Pour ces messieurs-là, les soldats, les paysans, peuh ! c’est bon pour la mitraille ou pour l’impôt, voilà ! D’en faire tuer, d’en faire suer un peu plus un peu moins, ils s’en soucient comme de leur première chemise. Ça fait-il leurs affaires ? bon ! Ça ne les fait-il pas ? tant mieux ! N’y a pas autre chose.