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sonnée ; mais on n’en fut que plus aise : car, dans cette famille, tous étaient de bon caractère et s’aimaient étroitement.

— Si les affaires vont mal, disait Mathurin Chazelles, au moins nous n’avons pas de malheur en enfant ; c’est le principal.

Donc, la Saint-Jean s’était passée sans herbes, quasi sans fleurs. La moisson vint de bonne heure ; déjà les seigles étaient coupés, quand, le 16 juillet, maître Chazelles commença la récolte de son froment. Il était jaune comme l’or, et ce n’était pas la peine d’attendre que l’épi laissât échapper ses grains ; il n’y en avait de trop. On avait donc entamé le champ, et, malgré les ennuis de la mauvaise année, chacun se laissait aller à la gaieté, comme le veut la moisson, qui est la grande paie des fatigues du pauvre monde. Au moins les enfants, — car le père, lui, restait un tantinet sombre, — Marie et Marianne, la femme de Justin, qui triaient les gerbes et râtelaient les épis tombés, chantèrent des chansons, dont les notes lentes et soutenues s’allongeant dans l’air, comme celles du grillon, berçaient le travail. Puis Jacques était là, et Jacques le soldat avait toujours des histoires à raconter, avec des mots si drôles et un air si amusant, que toutes les figures se mettaient en devoir de rire aussitôt qu’il ouvrait la bouche.

Ils étaient là, sans compter les deux, femmes, dix bons bras armés de la taux, dont aucun de loué, tous de la famille, travaillant vigoureusement pour leur propre bien. Belle jeunesse, dont le père Chazelles était fier ; on le voyait quand, au bout du champ, avant de recommencer une nouvelle rangée, il se re-