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Et, comme elle se taisait, il la pressa, tout ému de la voir aussi tâchée pour la première fois. À la fin, elle dit :

— Il y a une chose que vous aimez plus que moi ?

— Non, Marie ! non, bien sûr ; mais dites-moi de quoi vous pouvez avoir jalousie ?

— Jalousie ! Je n’ai point dit ça ; je ne veux qu’une chose, moi, c’est que vous fassiez à votre idée, comme il vous plaira le mieux. Il est bien sûr que ce n’est pas avec votre politique, non jamais, que vous deviendrez le gendre de mon père ; mais, puisque ça vous fait plaisir…

Louis baissa la tête comme un homme déjà las et qui reçoit un nouveau coup, et, poussant un grand soupir :

— Ah ! Marie, vous me taquinez pour ça, vous aussi… Je suis bien malheureux ! Déjà ma mère ne fait que pleurer, et vous savez que j’aime bien ma mère. Tenez, si ça continue, j’aimerais autant être mort !

— Bon Dieu ! dit-elle, avec un tout petit cri, en se rapprochant de lui, est-ce possible ? Et pourquoi ne la laissez-vous pas alors, votre malheureuse politique, puisqu’elle vous cause tant de mal ? Allez ! moi, je la déteste.

— Je ne peux la laisser, Marie, et je vous ferai comprendre ça ; oui, demain nous en parlerons ; mais que je vous dise tout de suite supposez que les Allemands entrent chez nous, qu’il soit besoin de défendre notre pays, m’estimeriez-vous si, au lieu de prendre un fusil, je fuyais au loin ?

— Non, sûrement, dit-elle, mais je sais bien que vous ne feriez pas ça.

— Si je désertais la bonne cause en politique, Marie, ce serait tout juste la même chose, parce que, si ce n’est pas pour défendre mon pays des Allemands, c’est pour le défendre d’autres ennemis : l’ignorance et l’injustice.

— Vraiment ? dit la jeune fille étonnée. Elle ne comprenait qu’à demi, mais trouvait son amant beau à voir, avec cet air résolu et ce parler ferme.

— Finalement, dit-il, ce n’est pas mon plaisir, comme vous disiez tout à l’heure, mais mon devoir ; je veux tâcher, pour ma petite part, d’empêcher que ma patrie ne soit trompée, volée, fourvoyée en de mauvaises choses. Je voudrais tâcher que le pauvre monde fût plus ins-