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paix revint rechanter les louanges du gouvernement, et après lui encore d’autres beaux parleurs, si bien qu’à la longue on oublia les bonnes raisons, et que ceux qui aimaient à dire comme tout le monde et qui ont la crainte de l’autorité, c’est-à-dire le plus grand nombre, crièrent de concert : Vive l’empereur ! Oui ! oui ! c’est out qu’il faut dire ! Il nous faut l’empire à perpétuité !

Le père Chazelles revint au Bourny en grande colère contre M. Cordier et Louis Brésy ; et Marie, tout le lendemain, put entendre le nom de son amoureux mêlé à de vilains compliments, sans compter les railleries. Car maître Chazelles prétendait que Louis Brésy voulait se faire nommer député pour sa belle parole, et autres choses pareilles. Pendant quelque temps, Marie fit semblant de n’y pas faire attention ; mais, une fois lancé, le père ne s’arrêtait guère, et il finit par demander à Marie pourquoi elle était si rouge et avait presque la larme à l’œil.

La fillette était bonne, mais vive ; aussi répondit-elle que c’était de honte de voir molester les gens de la commune qui avaient le plus de cœur et d’esprit.

On juge si le père fut content de cette parole ; il se leva en jurant, et pour le coup je crois bien qu’il l’eût battue, si, toute confuse d’en avoir tant dit, elle ne s’était enfuie en pleurant.

Il y eut pis à Fouligny. Les bonapartistes, furieux de l’opposition de M. Cordier, d’autant plus que son discours et celui de Louis Brésy avaient malgré tout fait impression sur bien des gens, allèrent trouver le maire et lui demandèrent tout bonnement de les débarrasser de ces deux hommes, en les faisant arrêter. Le maire se gratta l’oreille.

— Je ne demanderais pas mieux, dit-il, mais ça paraîtrait pourtant fort de mettre les gens en prison pour avoir donné leur opinion quand on la leur demande.

— C’est oui qu’on leur demande, et non pas non, dit un monsieur très riche, dont le gendre était sous-préfet du gouvernement, et qui avait obtenu de mettre son fils au collége sans rien payer, parce qu’il était ami du cousin de la cousine d’un ministre.

— Assurément, répliqua le maire ; mais c’est égal, on dirait que le vote n’a pas été libre, et les journaux de l’opposition le crieraient partout.