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Feuilleton de la République française
du 23 septembre 1874



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MARIE LA LORRAINE

NOUVELLE

CHAPITRE V
OUI OU NON
— Suite —

Louis Brésy continua ainsi :

Mais supposons qu’on vous dirait encore : Ce n’est pas tout ; vous allez confier la ferme à perpétuité à cet homme-là, pour qu’il en fasse à son idée, sans avoir plus jamais de comptes à vous rendre, et après lui à son fils, et après son fils, à ses petits-fils. Et si, par hasard, vous ou les vôtres n’étiez pas contents de ces gens-là, vous ne pourriez pas leur retirer votre ferme ; il vous serait même difficile de l’essayer, car ils mettront tout autour, pour se défendre, une troupe de chiens de garde plus ou moins enragés, dont vous paierez l’entretien. — Qu’est-ce que vous répondriez à cela ? Vous diriez : Faut être fou pour venir proposer des choses pareilles. Et vous n’auriez pas tort.

C’est pourtant là, mes voisins et amis, ce qu’on vous propose d’une autre manière ; c’est même cent fois pis ; car il ne s’agit pas seulement de livrer votre bien, mais de vous livrer vous mêmes. Et qui vous presse, bon dieu ! de pareille folie ! On a toujours le temps. Si vous vous trouvez bien de ce qui est — ce n’est pas mon avis — enfin, gardez-le, rien de plus juste ; mais ne vous liez pas pour toujours, et conservez le moyen, quand vous serez mécontents, de changer si ça vous plaît.

Ces paroles simples firent impression sur les autres paysans ; mais les gros bourgeois, et ceux qui les suivaient, se mirent à crier frénétiquement : — Vive l’empereur ! À mort les rouges et les partageux ! Et bien vite M. le juge de