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— À l’ordre ! à l’ordre ! À bas le rouge, c’est un partageux ! À la porte ! crièrent les gros bourgeois amis du gouvernement et bon nombre de populaire, après eux.

— Il faut l’empêcher de parler ! se dirent plusieurs.

Et ils se mirent à redoubler de tapage aussitôt que M. Cordier ouvrait la bouche. Mais il avait bonne voix et parla si haut qu’il se fit entendre tout de même :

— Oui ! c’est une honte ! Qu’est-ce que vous répondriez, je le demande à chacun de vous, qui êtes majeurs et maitres de vos affaires ; qu’est-ce que vous répondriez, dites, si l’on venait vous proposer de vous nommer à vous-mêmes un conseil de tutelle ? Vous hausseriez les épaules et feriez bien. Chacun de vous a plus de confiance en soi que dans les autres pour faire ses affaires, et ce n’est pas tant amour-propre que bon sens, car chacun sait mieux que personne ce qu’il lui faut. Et vous consentiriez à vous en remettre absolument à la volonté d’un homme que vous ne connaissez même pas !…

— Allons donc ! on ne connait pas l’empereur ? quelle bêtise !

— Non ! reprit M. Cordier, vous ne le connaissez pas ; vous ne l’avez pas vu ; vous ne lui avez pas parlé ; vous ne connaissez ni son caractère, ni sa vie privée. Ceux qui vous en parlent sont des gens à ses ordres, nommés par lui, ou des gens intéressés dans ses affaires, et il n’y a que ceux-là qui aient la liberté de parler et d’écrire. Non, vous ne connaissez seulement pas cet homme, à qui vous voulez vous en remettre de tout, de votre prospérité, de votre liberté, de votre vie et de celle de vos enfants ! Et, ce qui est encore plus monstrueux, vous voulez prendre pour maître dans l’avenir un garçon de quatorze ans, et même les enfants de cet enfant qui sont encore à naitre ! Cela, mes concitoyens, c’est tout bonnement de la folie !

— Assez ! assez ! À la porte ! À bas le rouge !

— Attendez, messieurs, dit M. Cordier, le plébiscite n’est pas encore voté et, puisqu’on nous consulte, puisque nous sommes encore souverains, nous pouvons apparemment dire notre pensée.