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ner tout entier aux Napoléon ; car, dans cette admirable famille, tous étaient de même, n’ayant d’autre souci que de faire la France heureuse et prospère, jusqu’au petit qui en oubliait de jouer à la toupie et ne pouvait manquer, ainsi fait, de passer les mêmes vertus à ses descendants.

Les gens buvaient cela et riaient et applaudissaient ; même plus d’un, à la fin, s’essuya les yeux sur le revers de sa manche. Quand vint M. Cordier pour parler à son tour ; dès en le voyant, les gros bourgeois amis du gouvernement se mirent à murmurer, et ce fut bien pis quand il parla. Aussi, à dire vrai, ce n’était pas du tout la même chose.

— Citoyens ! (ce premier mot déjà souleva un murmure ; le maire avait dit messieurs). M. Cordier répéta :

— Citoyens !… Ce mot veut dire homme libre, membre de la cité, de l’État. Or, ce n’est pas, je pense, l’appliquer mal que vous le donner, au moment surtout où vous êtes appelés à faire acte de souveraineté dans les affaires publiques.

On vous demande la puissance ; pour la donner, il faut bien que vous la possédiez. Hélas ! le seul fait qu’il soit utile d’affirmer cela, montre combien vous êtes encore peu établis dans l’idée et dans la possession de vos droits.

Citoyens ! anciens manants ! anciens serfs de la glèbe ! anciens valets du monarque et des seigneurs ! de par la Révolution, vous êtes, depuis moins d’un siècle, devenus libres, maitres de vous-mêmes et maîtres en commun de l’État. C’est depuis ce temps seulement que vous pouvez avoir à vous, du moins plus qu’autrefois, le profit de votre travail ; c’est depuis ce temps seulement que tous les progrès de la science et de l’esprit tendent à vous affranchir, de plus en plus, malgré tous les efforts du despotisme ; de même qu’on ne peut empêcher le plein jour et le soleil de se faire sentir, fût-ce au travers de volets fermés… Vous êtes citoyens ! vous êtes, par votre seul titre d’hommes libres, maîtres de vous-mêmes et de tout ce qui vous concerne. Et vous pouvez supporter qu’on vienne vous demander de vous déclarer sujets à perpétuité. Citoyens, c’est une honte !