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préféré parler d’autre chose ; pourtant il ne pouvait se dispenser de répondre à une question faite si honnêtement.

— Vous savez, monsieur, dit-il à M. Cordier, les amitiés sont libres ; Louis Brésy, je n’en disconviens pas, est un honnête garçon ; mais il me plaît de donner ma fille à un autre, et comme il causait de trop près avec la petite, c’est pour ça que je lui ai dit, peut-être un peu vivement, ce que vous avez entendu.

— Eh ! maître Chazelles, si les amitiés doivent être libres, êtes-vous bien sûr que celles de votre fille le soient dans tout ceci ?

— Pardon ! monsieur, sans vous fâcher, ça ne regarde que nous deux ma fille et moi.

Je ne veux pas vous contrarier sur ce point, quoique j’aurais bien à dire ; au moins pourrais-je savoir pourquoi Louis ne vous convient pas ?

Oui bien, je vous le dirai sans barguigner : Vous autres bourgeois qui ne faites rien, ou pas grand chose, vous vous amusez à la politique ; c’est bon, c’est votre affaire. Mais nous n’avons pas le temps, nous autres, et de voir nos jeunes gens se mêler d’y fourrer le nez, ça n’est pas bon signe pour le travail ni pour la prospérité de la maison. Encore n’y aurait-il peut-être que demi-mal si c’était du moins de la bonne politique ; mais c’est de la pire que fait Louis Brésy en se mettant contre le bon ordre, avec tous les gens de sac et de corde, vauriens, partageux, socialistes, rouges et… et… dame ! que voulez-vous que je vous dise, monsieur, ceux-là enfin qui font tout le mal de nos affaires, quoi… à ce qu’on dit…

Ce n’était pas l’habitude de maître Chazelles de chercher ses paroles ; seulement il venait de se trouver bien embarrassé en se rappelant tout d’un coup que M. Cordier, lui aussi, passait pour être républicain. Le bourgeois vit bien cela, et, loin de se fâcher, il se mit à rire :

— Dites encore les révolutionnaires et les repris de justice, dit-il, et le compte, je crois, y sera.