Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/30

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Dans tout ça, je ne vois pas le droit des Allemands, dit Chazelles, qui avait écouté avec attention ; puis, m’est avis que pas n’est besoin de toutes ces finesses. Venir nous dire à nous, Français, que nous ne sommes pas Français, là, c’est pourtant une fière sottise.

— Justement, reprit Brésy, voilà la meilleure raison, car nous ne sommes pas, nous autres, comme les Allemands, qui ont encore des seigneurs et se laissent vendre ou céder avec leur pays, comme des moutons avec leurs pâturages. Nous sommes des citoyens ; nous votons dans nos affaires, et nous n’appartenons qu’à nous.

— Parbleu ! dit Varnaud.

— Allons ! allons ! dit Chazelles, je vous dis, c’est des bêtises. Bavons un coup. Votre verre, Bruckner ! Mais vous êtes tout de même un drôle de corps.

Et il haussa les épaules. Tournant alors la tête vers Marie, il la vit les yeux béants d’admiration, fixés sur Louis qui venait de si bien parler. Tout aussitôt, s’adressant à celui-ci, Chazelles lui dit, d’un ton quasi-rude :

— Vous, vous êtes joliment trop savant au moins pour un laboureur. En devez-vous passer du temps dans les livres, hein ! Eh ! eh ! ça n’est pas ça qui fait pousser le froment.

— Faites excuse, maitre Chazelles, dit Louis ; on a le soir, puis le dimanche, et ça ne fait pas de tort à l’ouvrage, an contraire.

Mais Chazelles, sans l’écouter, se mit à causer avec Marcelin Varnaud, et Marie, dépitée d’avoir été surprise à regarder Louis et du mauvais compliment que le père taisait à son galant, se leva et prit le seau pour aller à la fontaine. Ce que voyant, Louis également se leva et prit le seau des mains de Marie. Mais elle le reprit, et ils sortirent dans ce débat, au grand mécontentement de maitre Chazelles qui ne voulait pas les voir ensemble. Les autres continuèrent à causer ; mais lui n’y était plus et jetait sans cesse les yeux en arrière pour voir par la fenêtre ce qui se passait dans la cour.

ANDRÉ LÉO

(À suivre.)