Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/29

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Ils sont tous comme ça, ces Allemands, dit Louis Brésy. J’en ai entendu plus d’un, quand il avait bu, dire qu’il voulait prendre la France. Paraît que c’est une idée chez eux.

— On verra bien ! dit Marcelin Varnaud d’un ton crâne.

— Oui, oui, on verra, dit Bruckner en se rasseyant de l’air d’un homme qui garde sa colère, mais qui est fâché de s’être laissé emporter.

Chazelles le regardait avec mécontentement et surprise.

— C’est curieux tout de même que vous ayez de ces idées-là. Et quand est-ce qu’on vous l’a pris, ce pays, comme vous le dites ?

— Je ne sais bas, répondit sourdement le Germain ; ce que je sais, c’est que l’Allemagne a droit sur toute la terre ; c’est nos chansons qui le disent, et ceux qui les ont faites le savent bien.

Devant cette superbe prétention, les trois Français se mirent de nouveau à rire, et l’Allemand resta les sourcils froncés, muet et sombre dans son entêtement.

— Je sais, moi, dit Louis Brésy, parce qu’après leur avoir entendu dire ça, j’ai cherché dans l’histoire de France, et voici ce que j’ai trouvé : c’est que ce pays-ci avait été autrefois avec l’Allemagne, tout bonnement parce qu’un des fils de Charlemagne, empereur français, comme vous savez l’avait eu en héritage de son père, avec l’Allemagne elle-même, que Charlemagne avait prise. Après, on se le disputa longtemps, entre Allemands et Français, au grand dommage sûrement des pauvres gens qui alors labouraient la terre. Puis, ce fut l’évêque de Metz qui gouverna, avec les échevins, comme qui dirait le Conseil municipal, et ils défendaient le pays contre les Allemands qui venaient le piller, et le duc de Lorraine qui voulait le prendre. Ensuite ce fut un roi de France qui s’en empara, jusqu’à ce qu’il passât par un traité à l’Espagne, et enfin, à la suite de tant de guerres que c’est une pitié de penser combien on était malheureux dans ce temps-là, un autre traité se fit qui assura définitivement le pays messin à la France, il y a plus de deux cents ans.