Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/26

Cette page n’a pas encore été corrigée

ses hôtes, et ils étaient là, causant tous les quatre ensemble, ce qui ne faisait pas l’affaire de Louis et de Marie, qui auraient mieux aimé causer à deux. Annette, qui n’avait pas encore affaire aux amoureux, quitta bientôt la maison. Ce n’est pas qu’elle ne fût déjà une belle fille aussi. Elle ressemblait à Marie, mais surtout à ces images de saintes, qu’on voit dans les livres, avec des yeux doux et baissés. À côté de sa sœur, dont la vivacité était un charme, la petite Annette eût paru triste à force de tranquillité ; mais, quand elle levait sur vous ses yeux bleus, on n’y voyait au fond que de jolies choses, et ce n’était point la tristesse qui s’y tenait, mais plutôt la rêverie, et les timidités douces et gentilles de la seizième année.

Elle ne plaisait pas moins que sa sœur ; mais son tour d’être courtisée ne devait arriver qu’après le mariage de l’aînée. Annette quitta donc la maison et alla rejoindre sa mère au pâturage ; car maitresse Chazelles se faisait volontiers bergère le dimanche, pour laisser aux enfants le temps de s’amuser. Marie resta seule avec son père et ses amoureux, à qui c’eût été faire affront que de s’en aller ; mais elle ne semblait pas de bonne humeur.

Assise an soin de la cheminée, en face de la porte, elle faisait semblant de tourner les pages d’un petit livre qu’elle avait déjà lu dix fois ; un rayon de soleil, qui allait comme une barre d’or de la porte à la cheminée, jouait sur son épaule et dorait sur sa nuque ses cheveux follets ; la chatte blanche, sa favorite, la voyant assise, vint en ronronnant poser ses pattes sur le tablier de sa maitresse, et solliciter une place sur ses genoux. Mais Marie ne répondait point à ces avances, elle ne semblait pas non plus sentir les chaudes caresses du rayon sur son cou bruni ; elle ne souriait pas au beau jour d’avril qui, tout jaune de lumière et tout blanc de fleurs, éclatait au dehors. Distraite, impatiente, de ses yeux glissaient au-dessus des pages du livre, comme d’autres rayons de soleil, plus fins, qui allaient rencontrer des rayons semblables, partis des yeux de Louis Brésy. Mais elle baissait les paupières quand maître Chazelles venait à tourner la