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et de sa mère, dont le baiser lui manquait.

Ce ne fut que longtemps après qu’ils eurent des nouvelles de Jacques et de Justin. Celui-ci, tombé dans les neiges pendant la déroute de l’armée de l’Est, avait été recueilli dans les ambulances de la Suisse ; mais il restait perclus des deux pieds ; c’était un infirme, et quand, de retour au pays, il embrassa l’enfant qui lui était né pendant la guerre, il pleura, ne sachant comment l’élever de son travail.

Pour Jacques, il revint à Fouligny sans autre dommage que de grandes fatigues souffertes, mais avec une haine immense contre l’empereur.

Quant à Louis et à Marie, longtemps ils hésitèrent sur le parti qu’ils avaient à prendre. L’idée du pays leur tenait au cœur ; mais à présent Fouligny n’était plus la France : c’était un pays gouverné par ceux qui avaient fusillé Mathurin et Jérôme Chazelles, outragé leur sœur et tué leur mère ; par ceux qui avaient brûlé le Bourny. Aussi furent-ils sur le point de suivre M. Cordier, qui choisissait de rester Français. Mais ce qui est facile aux riches ne l’est point aux pauvres. Ils avaient quelques terres là-bas et n’en avaient point ailleurs. Enfin Louis Brésy eut une pensée qui le décida :

— Sûrement, dit-il à sa femme, c’est une grande honte, au temps où nous sommes, qu’un peuple vienne, le pied sur la gorge d’un autre peuple, prendre deux provinces qui ne veulent point aller à lui, et faire changer de nom et de lois, par force, à deux millions d’hommes qui n’ont point changé de cœur, de la même façon dont un nouveau propriétaire met une marque nouvelle au troupeau qu’il vient d’acheter. Ce sont-là des choses contre lesquelles s’élève la conscience des hommes d’aujourd’hui, qui ne doivent point être acceptées, et qui,