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c’est tout un, et tout le monde en France croyait bien en avoir à jamais fini avec les monarques. Mais, comme vous le disiez, c’est l’ignorance du peuple qui perd tout. La mémoire des choses s’oublie au bout d’un temps, et le peuple, ne lisant pas, ne sait plus ce qui s’est passé.

— D’autant, monsieur Cordier, dit le jeune paysan, qu’il ne manque pas de gens qui se chargent de lui conter les choses tout différemment. Tous ceux qui pêchent dans les eaux troubles de la monarchie, c’est-à-dire précisément ceux qui s’approprient l’argent, le pouvoir, la parole et les honneurs, n’ont pas grand’peine à tromper les pauvres gens. Oui, je dis comme vous, la vraie cause de nos malheurs, la vraie mauvaise race qu’il faut combattre et réduire, ce sont les rois et empereurs et ceux qui veulent nous les imposer.

— Pour moi, Louis, dit M. Cordier, je n’en jure pas moins de tuer, tant qu’il me sera possible, tout Prussien que je trouverai sur le sol de ma patrie, où ils viennent porter la mort et le pillage ; je le ferai de tout mon courage, parce que c’est un devoir et une nécessité ; mais je jure aussi que, s’ils repassent la frontière, je ne les poursuivrai pas d’une semelle au delà, car je combats pour le droit et pour la justice, et non pour l’orgueil et la vengeance.

— Vous avez raison, monsieur Cordier, dit Louis ému, et je tâcherai comme vous de faire la guerre, sans devenir mauvais. Il n’y a qu’une guerre sainte, celle de la défense.

Il cessa de parler, et une nouvelle angoisse lui prit le cœur ; ils arrivaient à la Roche aux serpents où Marie, la pauvre fille, les attendait impatiemment, espérant qu’ils ramèneraient ses parents. Il fallut bien tout lui dire. Et, toile de chagrin, elle voulut, le soir même, malgré le danger, aller voir sa mère. Elle et François passèrent la nuit près du chevet de maitresse Chazelles. Mais, comme elle l’avait dit, la pauvre femme, ce ne fut pas long ; elle mourut dans un accès de fièvre chaude avant le matin.

Et ce furent deux orphelins qui reprirent en pleurant le chemin de la montagne.


ANDRÉ LÉO

(À suivre.)