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veux d’abord tous mes enfants. Où sont-ils ?

Avec une force extraordinaire, elle s’échappa des bras de son fils et courut vers la maison. Louis qui revenait, eut peine à la retenir.

— Qu’avez-vous fait d’Annette ? lui demanda-t-elle, en le regardant fixement.

Et comme il ne répondait pas, ayant vu d’où il venait, elle prit sa course tout à coup de ce côté avec une telle rapidité qu’ils ne purent la rejoindre avant qu’elle ne fût arrivée sur l’aire auprès des cadavres. Là ils voulurent l’entraîner, l’éloigner de ce spectacle ; mais elle résista ; sa figure avait changé subitement.

— Laissez-moi, leur dit-elle avec autorité, je veux leur dire adieu !

Elle s’agenouilla, baisa le front de son fils et de son mari, et donna un regard pieux et triste au pauvre Galey. Maintenant, elle semblait revenue dans son bon sens ; elle était grave, abattue ; c’était encore la maîtresse Chazelles d’autrefois.

Nous avons passé trente années ensemble, mon homme, dit-elle en regardant le cadavre de Mathurin Chazelles, et nous avons toujours fait bon ménage. Nous ne nous attendions pas à finir ainsi. Oh ! c’est horrible, ce qu’on a fait ! Jusqu’à présent, j’ai été heureuse de vivre ; mais aujourd’hui, j’ai regret d’être venue au monde. Ceux qui sont morts sont heureux !

Elle pleura enfin abondamment sur les corps de sa fille et de son fils, puis s’informa de chacun, et parut contente de savoir Marie et Pierre eu sûreté. Ensuite, comme François la suppliait de s’en venir chez la mère Galey et de fuir ce spectacle horrible, elle répondit :

— Allons ! puisque tu le veux ; ça ne sera pas pour longtemps.

Il fallut aussi lui promettre d’enterrer les corps, et l’on mit sur eux des branches d’arbres. Après quoi, elle se laissa conduire par les deux jeunes gens, appuyée sur eux, et se coucha sur le lit de la mère Galey, pauvre malheureuse qui, ne sachant rien, leur demandait des nouvelles de son mari.

Déjà, depuis plusieurs minutes, des coups de fusils avaient retenti ; Louis et François se disposaient à rejoindre leurs camarades quand ils les virent se replier du côté de la montagne ; sur la route, au loin, quelques noirs soldats