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bientôt qu’il n’était pas possible d’éteindre l’incendie, et ils se bornèrent à s’assurer que la maison ne renfermait aucun des habitants du Bourny. François, Louis, M. Cordier, qui étaient de la petite troupe, et leurs compagnons, se répandirent à l’entour en cherchant et appelant. Un cri parti de l’aire les rassembla. Un des francs-tireurs venait de rencontrer sous ses pas le groupe sanglant des trois hommes fusillés par les Prussiens. On chercha vainement quelque reste de vie. Ils étaient bien morts.

— Maintenant, dit M. Cordier, en montrant le détachement prussien qui cheminait sur la route, c’est là-bas que nous avons affaire, et dépêchons-nous !

— Oui, oui, s’écrièrent-ils, vengeance !

— Vengeance contre ces brigands, contre ces infâmes !

— Au moins pour ça nous ne serons pas arrivés trop tard.

Ils s’élançaient tous, et François, pour les suivre, se détachait du cadavre de son père et de son frère, près desquels il était tombé à genoux, quand un spectacle nouveau les cloua tous un moment sur place.

Une femme qui semblait un spectre, les yeux largement ouverts et hagards, les traits décomposés, épouvantable de douleur et d’énergie folle, s’avançait, portant dans ses bras le cadavre d’une jeune fille, dont la tête pendante laissait ruisseler jusqu’à terre les cheveux mouillés. C’était maîtresse Chazelles. On eut dit qu’elle ne voyait personne et elle ne semblait pas même s’apercevoir de l’incendie, car elle marcha droit à la maison, et allait y entrer avec son fardeau, quand on l’arrêta.

— Mère, dit François, et le malheureux gars, suffoqué par tant de désolation, pouvait parler à peine, mère ! tu ne me reconnais pas ? mère, c’est moi !

— Ah ! dit-elle, — mais on ne reconnaissait plus sa voix, tant elle était rauque ; — ah ! c’est toi, François ! bon ! ça fait un de plus ! J’ai tant de peine à rassembler mes enfants ! Tiens, voici Annette ; et les autres, où sont-ils ?

— Louis et François, dit M. Cordier rapidement, prenez soin de cette malheureuse. Vous nous rejoindrez plus tard. Quant à nous, nous n’avons pas un moment à perdre.


ANDRÉ LÉO

(À suivre.)