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bien ! non, reprit-elle avec une exaltation nouvelle, non, je ne puis pas, je ne veux pas croire que vous ayiez pu trahir votre foi, et garder vis-à-vis de moi la même attitude et le même langage. Ce serait une chose infâme, et vous ne pouvez pas être un infâme ! Albert ! Mentir en disant je t’aime ! trahir avec des baisers ! Ce sont les Judas qui font cela, et ils sont maudits par l’humanité entière. Je vous demande pardon, Albert, j’ai douté ; mais du mois je reviens et me fie à vous sans preuves. Ne me dites plus rien ; pas d’explication ! Dites-moi seulement que vous m’aimez, que nos âmes se retrouvent dans un regard, et nous sommes l’un à l’autre comme auparavant.

Elle attachait sur Albert ses beaux yeux encore humides et tout étincelants d’une grandeur suprême, et elle lui tendait la main. Il resta un instant immobile, étourdi. Cette victoire qu’il demandait à la ruse, à l’éloquence, ainsi obtenue, le terrassait. Il eut honte, et tout ce qui restait en lui de généreux et de noble tressaillit à l’appel de ce grand sentiment.

— Ah ! dit-elle, voyant qu’il ne répondait pas, ne pouvez-vous me pardonner ?

Il tomba à genoux, prosterné, la tête dans ses mains, et, saisi de cette pensée : Je suis indigne d’elle, je dois tout lui dire, et, qu’elle me pardonne ou non, ne pas lui voler son amour ! À côté de ce sentiment de justice, une sorte de crainte et quasi de répulsion instinctive, se glissait ; il était au malaise vis-à-vis d’elle et se sentait écrasé par la grandeur d’âme de celle qui voulait rester sa fiancée.

Mais, pour l’exécution d’un tel mouvement, il fallait plus de caractère que n’en avait Albert et surtout moins de vanité il sentait avant tout que son silence devenait ridicule et prit le plus facile des deux partis, celui du rôle indiqué. Puis, à quoi bon l’affliger ? se dit-il ; mon repentir la vengera, et désormais je serai sincère.

Albert se trompait ; il n’y a pas de sincérité possible en dehors de la vérité. Il ne pouvait plus que mentir. Tandis qu’il exprimait ardemment sa reconnaissance à Marianne, celle-ci, toute à la foi qu’elle venait de ressaisir, s’indignant contre elle-même d’avoir douté, persistait à s’en accuser.

— Oh mon ami, disait elle, c’est vous qui êtes généreux ! Vous aurais-je, moi, pardonné de pareils doutes ? Je ne sais pas, Une pareille insulte l… Oh Je vous velez mieux que moi, Albert ! islenuti ai C’est que pour une femme, objectá-t-il dans son embarras, l’insulte eût été plus grave, et vous auriez eu raison. Plus grave ? répéta t-elle étonnée, et pourquoi ? Y a-t-il deux sortes de menson- -Non, sans doute, répondit-il en frémis- sant ; mais vous accuser, vous, nie paralirait un signe plus grand que tout autre. Ilélas ! jo l’ai commis vis-à-vis de vous, Albert, et je me demande si vous pourrez jamais oublier….. -Oui, je suis trop heureux de vous ro- trouver la même. -Ah ! du moins que jamais pareille criso ne se renouvelle. Cela est trop terrible ! Jamais jamais chère adorée du moins par ma faule, jamais ! Ma Ni par la mienne, dit-elle en frémissant ; mais pour cela, Albert, laissez-moi vous con- fesser toute ma faiblesse. Le doute ne m’au rait pas si vite envahie tout à l’heure, si dop puis longtemps il ne s’était insinué en moi… oh I bien faible, mais aussi bien énervant. Il me semblait depuis longtemps que vous m’aimiez moins, Yos lettres étaient mois fréquentes, moins, longues ; il y manquait l’accent que j’y trouvais autrefois… ! Ahl Marianne !… of Friente estoy C’est que vous étiez occupé, absorbé, je le sais, j’en suis sure, ne me le dites pas ! Mais moi qui l’étais moins que vous, je souf frais de cet affaiblissement apparent de vot tre amour, et parfois des idées sombras, mauvaises, me sont venues. Je vous ai lais sé voir cette souffrance, et vous m’avez rás- surée plus d’une fois par de bonnes paroles ; mais la cause persistail, et la tristesse, les mauvaises pensées revenaient toujours. Dé sormais nous ne serons pas longtemps se parés, je l’espère ; mais ayez pitié de moi, cher Albert, et ne me laissez plus en proie à ces tourments, qui maintenant auraient des aliments nouveaux. Quand j’attendrais en vainavos lettres, je penserais malgré moi que vous êtes peut-être avec vos amis, dans ces compagnies… Albert, je suis égoïste, je suis jalouse ! Pardonnez-moi ! Mais j’ai un besoin absolu d’étre aimée comme je veux aimer moi-même. Oh ! dites-moi si c’est bien vral que vous pouvez être tout à moi. — Je vous le jure, dit-il, et il se disait il voulait croire que pour l’avenir ce serait vrai je vous le jure i O Marianne 1 : com- ment ne pas vous adorer ? Chère perfection !