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on nous gronda. La méchante enfant m’agace de l’œil ou du geste, puis elle rit. Ces après-midi qui sembleraient monotones passent comme un instant, ou valent des jours entiers, suivant le nombre ou la nature des émotions qu’elles contiennent. Quelquefois, au milieu d’un silence, la chute d’une paire de ciseaux nous fait tressaillir ; autour de nous bourdonnent des mouches ou quelque abeille égarée, et, par l’entre-bâillement des contrevents, le soleil projette à travers la salle une barre d’or oblique et mouvante.

Pendant ce temps, M. Plichon fait la sieste dans sa chambre ; Anténor chasse toute la journée ; son père, le matin, essaye de l’accompagner ; mais il revient sur le midi, suant, soufflant et jurant que cet endiablé garçon ne l’y reprendra plus, ce qui ne l’empêche pas de recommencer le lendemain ; Édith, sauf à l’heure des repas, est invisible. Le soir, nous allons nous promener tous ensemble dans les bois, ou nous asseoir sur l’herbe dans les prairies. On jase et l’on rit ; on nous taquine, Blanche et moi. M. Plichon a la plaisanterie un peu lourde ; mais je force les boulets à ricocher. La parole douce et sensée de maman Plichon, l’aimable esprit de Clotilde, rendent la conversation attachante. Puis, dans tout ce qu’on dit, l’intention est si bonne, la gaieté si franche, que tout paraît agréable et bon. Anténor lui-même, harassé le soir, laisse sommeiller ses prétentions et ses vanteries, ou nous permet de les railler. Enfin, nous rions toujours à cœur joie, qu’il y ait ou non de quoi.

Après cela, quand cette chère famille s’excuse près de moi de n’avoir point de distractions à m’offrir et