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— Elle a un caractère si extraordinaire ! Elle ne fait rien comme les autres.

— D’où cela vient-il ? Aurait-elle des chagrins ?…

À ce moment Blanche rougit ; mais j’ignore si ce fut à cause de ma question ou par suite de la double indiscrétion que je commettais en passant le bras autour de sa taille : tout ce que je me rappelle, c’est qu’elle ouvrit une porte, que je lui pris un baiser et que nous parlâmes cinq minutes sans savoir ce que nous disions. Sa chambre à elle est un boudoir blanc et rose taillé dans la moitié d’une ancienne salle, plein de jolis brimborions à son usage, ou sans usage aucun, et qu’elle voulut bien me montrer l’un après l’autre, tandis que je contemplais seulement ses mains effilées et son cou si blanc.

Tu vois qu’on nous laisse une grande liberté. Déjà, en effet, nous nous sommes écartés souvent des conditions posées à mon séjour ici ; mais c’est un peu en cachette, et les serviteurs de la maison n’en ont rien vu. Devant eux j’affecte plutôt de m’occuper de Clotilde, car il n’est guère possible de supposer que je sois ici pour Anténor, qui chasse du matin au soir et dont je ne puis me condamner à suivre à travers champs la course folle, quand toutes mes pensées resteraient ici. On semble maintenant plus occupé du plaisir de m’avoir pour hôte que d’aucun scrupule touchant ma présence. Il y a bien dans tout cela un fond d’apathie ; mais par-dessus tout une bonne foi, je dirai plus, une innocence qui m’inspire pour mes nouveaux parents une grande estime et une sérieuse amitié.

Leur train de maison est fort simple : un jardinier, la