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raison et à l’honneur. J’affirmai un peu vivement à M. Plichon que je n’avais, Dieu merci, ni le corps énervé, ni l’âme blasée, et me trouvais extrêmement heureux d’être encore jeune, ardent, plein de croyances et digne d’aimer.

— Plein de croyances, dit-il en saisissant le mot avec inquiétude ; ah diable ! en votre qualité de noble, seriez-vous dévot ?

— Pas du tout. Je crois à l’amour, par exemple.

— Ah ! c’est-à-dire que vous avez des illusions. Bien, bien, mon cher Monsieur, soyez amoureux tant qu’il vous plaira, pourvu que ça ne passe pas trop vite.

— Ah çà, m’écriai-je, vous n’admettez donc que les extrêmes ?

— Moi ! les extrêmes ! s’écria-t-il à son tour avec indignation, mais au contraire. Les extrêmes ! les opinions, les partis extrêmes, je fuis cela comme le feu. Il n’y a rien d’absolu, et selon moi la sagesse consiste à se tenir à part de toute exaltation, dans une sage tiédeur.

— Cependant, vous ne consentez à me croire sage que si j’ai été suffisamment fou ; et vous semblez craindre que j’arrive à ne plus aimer ma femme, parce que je suis très-amoureux de ma fiancée.

— Oh, sans doute, la contradiction des choses, des intérêts, des idées, des caractères, il n’y a que cela partout, action et réaction, voyez-vous, c’est toute l’histoire. On n’avance que pour reculer, on ne recule que pour mieux sauter, un excès en amène toujours un autre. Les gens se tiennent où ils sont, c’est le plus sûr. N’y a-t-il pas en tout deux principes contraires : le blanc et le noir, le