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tions, ou peut-être par un sens moral, plein de bonté et d’une droiture naturelle, que je crois sentir en lui. Il ne manque ni d’esprit ni d’instruction ; mais cette instruction est pédantesque, sèche, étroite, et son esprit se complaît en des niaiseries, des jeux de mots, des plaisanteries plus qu’équivoques. Malgré ces défauts, il y a dans cet homme tant de bonhomie, de franchise, de paternité, qu’il ne me déplaît ni ne me choque. Blanche paraît l’aimer beaucoup et il raffole d’elle. Ce fut donc avec assez de confiance que je lui adressai la solennelle demande que j’avais à lui faire.

Il m’écouta doucement et me dit avec une émotion que sa voix révélait, bien qu’il cherchât à la dompter :

— Monsieur, vous me faites honneur en me demandant la main de ma fille. Votre personne me plaît beaucoup ; vous avez un beau nom, de l’honnêteté, c’est le principal. Cependant, il faut encore d’autres avantages pour jouir de l’existence. Je donne à Blanche 50,000 francs de dot ; ce qui fait naturellement 2,500 francs de rente, et ce n’est pas assez pour faire vivre un ménage. Vous n’avez pas d’état ; avez-vous de la fortune ?

— Je lui avouai que je n’en avais plus et lui fis part de ma résolution d’obtenir un emploi pour suffire à mes besoins, et afin de sauvegarder ma dignité et mon indépendance.

— C’est bien, très-bien, me dit-il, et même je préférerais vous voir gagner de l’argent en vous occupant que de vous voir riche et oisif. Il faut qu’un homme soit occupé ; l’oisiveté ne vaut jamais rien ; et puis un homme attaché à sa place reste aussi plus facilement attaché à sa