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quand, un clapotement me faisant tourner la tête, j’aperçus cette figure pâle, aux longues tresses de cheveux noirs, que je pris pour ceux d’Amphitrite elle-même ; car toutes nos baigneuses portent d’affreux bonnets de taffetas ciré. Pour comble d’illusion, la divinité me lança un froid regard, et, plongeant soudain, elle disparut à mes yeux. Mais je dois à la vérité d’ajouter qu’elle reparut quelques brasses plus loin. À partir de ce jour, je la distinguai au milieu des autres baigneuses. Elle a une taille fort belle, dont parfois les plis ruisselants de son vêtement de laine dessinent les contours athéniens ; mais dans ses habits de ville elle n’est plus la même, et cette taille paraît grossière à côté du corsage étranglé des autres femmes. Évidemment, elle ne porte pas de corset, je te donne ce détail pour te montrer combien elle se soucie peu d’être remarquée. Est-ce à force d’orgueil ? à force d’insouciance ? Ou bien est-ce un de ces cerveaux mal organisés, qui par nature donnent dans la bizarrerie ? Quand on parle d’elle, ce qui arrive rarement, c’est d’une façon quelque peu maussade ou réservée. Nous fîmes hier une promenade en voiture.

— Je crois que nous n’avons pas prévenu Édith, observa Clotilde, au bout d’un quart d’heure de route.

— Oh ! elle ne serait pas venue, répondit Blanche indifféremment.

— C’est égal, ma fille, dit la voix raisonnable et douce de madame Plichon, il aurait fallu la prévenir.

— Bah ! elle n’en sera ni plus ni moins de bonne humeur, assura le père d’un ton bourru.

Je rapproche ceci d’un mot que me dit madame Pli-