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Il s’agit bien d’ailleurs de mon bonheur ; est-ce que j’y pense ? Moi ! toujours moi ! que j’étais fou ! égoïste, lâche ! Il s’agit qu’elle soit heureuse, elle, et je le veux. Ah ! je le ferai ! mon ami, mon cher Gilbert, la vie n’est large et profonde qu’en dehors de soi. Oh ! la divine enfant qui vient d’arracher en moi jusqu’aux racines du doute et de la tristesse ! Maintenant j’aime, je vis, je crois, je suis heureux…

… Je ne puis m’empêcher de penser que cette ivresse, je l’ai déjà éprouvée, et que c’était un mensonge. Oh ! quel poison pour l’âme qu’un amour trompé. Il atteint la foi dans sa source même. Il faudrait l’oubli.

J’étais né pour un seul amour…

Et nous le sommes tous ! Et l’amour est toujours le même. C’est l’objet seul qui trompe. Je reprends ma vie suspendue, là où je l’avais laissée, voilà tout. Je sors d’un sommeil plein de rêves pénibles. Bénie soit celle qui m’éveille ; oui bénie, heureuse, adorée ! et voilà mon but ! car c’est une des lois de l’harmonie universelle que le bonheur de cette adorable enfant… Pauvre Gilbert ! tu vas croire que je divague. Aime donc véritablement. Sache que l’être solitaire, que l’égoïste, réalise mieux que l’esclave antique la sentence du vieil Homère ; il n’a pas même la moitié d’une âme. Crois-moi, et si ton Olga ne te donne que des millions, elle te donnera bien peu.

J’ai eu, dès ma première visite, un long entretien avec la mère. Elle était émue, douce, inquiète :

— Je crains, Monsieur, que ma sœur n’ait agi avec trop d’entraînement ; c’est-à-dire je voudrais être sûre