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— Vous ne nous connaissez pas, Monsieur. Peut-être les parents de Blanche auraient-ils préféré que vous fussiez riche (elle était trop bonne de mettre cela en doute), mais ils chercheront avant tout le bonheur de leur enfant. Ma sœur a des sentiments très-élevés. Quant à mon beau-frère… d’abord il ignore ce qui s’est passé ce soir ; il s’est couché en rentrant, et tout au plus, s’il s’aperçoit de quelque chose, croira-t-il à une indisposition de sa fille chérie. Blanche fait de lui tout ce qu’elle veut, avec sa gentillesse et ses flatteries. Il est bien moins distingué que sa femme ; mais très-bon, et je vous réponds de lui. Confiez-vous à mes soins. Ah ! Monsieur, la plus cruelle épreuve de ma vie se rattache à ces considérations d’argent, qui ne doivent point trouver place dans les affaires de cœur. C’est une histoire bien différente ; mais faites que je ne sois point frappée deux fois pour la même cause ; car j’aime Blanche comme si elle était ma propre fille, et, depuis que je n’ai plus rien à attendre de la vie pour moi-même, j’ai reporté sur elle tout mon égoïsme.

Elle parlait avec abandon et mélancolie et semblait devenue parfaitement oublieuse de l’heure et du lieu. C’était la troisième ou quatrième fois qu’elle revenait sur le sujet de ses chagrins, et je me serais fait en tout autre temps un devoir d’accepter sa confidence ; mais le jour n’était pas loin, et je ne pouvais la garder une heure de plus chez moi, sans procurer aux Royannais le plus beau festin de scandale qu’ils eussent savouré depuis longtemps.

— Chère Mademoiselle, dis-je en lui montrant l’ai-