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pules, que moi-même en ce moment je ne comprenais plus guère ; elle eût pleuré, m’eût adressé des reproches, peut-être même elle eût fait intervenir sa famille dans ce débat ; je me serais fait contraindre, c’eût été lâche, moi seul devais prononcer. Je la ramenai donc près de sa tante, et tout le reste de la soirée nous ne fûmes plus seuls. Ces dames quittèrent l’établissement vers onze heures. En prenant congé d’elles à la porte de leur hôtel, je glissai dans la main de Blanche le billet que j’avais préparé ; puis, désolé, ne sachant plus même ce que je faisais, ni pourquoi j’allais commettre l’odieuse action d’abandonner cette jeune fille, qui m’avait donné son âme avec tant d’amour et de confiance, j’allai me jeter sur mon lit, en attendant l’heure du départ.

J’étais en proie à cette agitation douloureuse qui ne nous laisse pas la notion du temps ; aussi, quand j’entendis frapper à ma porte, pensai-je qu’il était cinq heures et qu’on venait m’appeler. Je me levai aussitôt et j’ouvris ; mais, au lieu du garçon chargé de prendre ma malle, je reculai de surprise en me trouvant en face de mademoiselle Clotilde.

Je vis sur-le-champ tout ce qui s’était passé : Blanche avait laissé éclater son désespoir. Mais alors cette famille devait être blessée de ma conduite et j’aurais compris la visite du père, ou du jeune Anténor, plutôt que celle de la tante, à pareille heure.

En tout cas, l’immixtion d’autrui dans mes affaires intimes m’est insupportable ; aussi exprimai-je sèchement à mademoiselle Clotilde mon étonnement de sa présence. J’ai dû te dire que, malgré son titre acquis de