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QUATORZIÈME LETTRE.

WILLIAM À GILBERT.

29 juillet.

J’ai souvenir de t’avoir écrit une lettre très-dure ; à présent, j’en suis fâché ; mais, pour l’amour de Dieu, suis ta voie et laisse-moi la mienne. Je t’aime de tout mon cœur, tu le sais bien et tu m’aimes de même. Cela ne nous donne pas absolument le devoir et le droit de nous tenailler réciproquement les nerfs. Quoi que tu dises d’ailleurs, ne sais-tu pas que je ne ferai jamais qu’à ma guise ? et pour moi ne respecté-je pas ta liberté en toute occasion, quelque déplaisants que me soient parfois tes actes. Rencontrons-nous sur le terrain où nous pouvons nous entendre et ne nous égarons jamais ailleurs. Ce terrain est plus vaste qu’il n’en a l’air ; tu es très-bon, très-délicat en beaucoup de points ; mais la sagesse toute faite du monde t’a perdu. Garde-la pour toi — et pour les autres, puisque tu le veux ; mais, quand nous sommes ensemble, rends-moi mon vieux camarade, celui qui, Gilbert, te le rappelles-tu, pleura si amèrement sa première maîtresse, et qui fut malade de chagrin à notre première séparation.

Pardonne-moi donc mes duretés ; car je vais, sans fausse honte, et même avec une vraie satisfaction du plaisir que je te ferai, te raconter le détail de mes tergiversations, et du changement qui vient de se faire dans ma destinée.

Après la lecture de ta lettre qui m’avait fait plus vive-