Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

flamme éteinte. Si elle pouvait m’aimer toujours ?… Oh chère folie ! qui agite en moi ses derniers grelots ! Eh bien, pourtant, je l’ai cru ce soir. Je l’ai cru pendant… qu’importe le temps ; ces moments-là sont vastes comme des années. Ce soir, au bal, elle se plaignait de la chaleur, et se tournait sans cesse vers les fenêtres ouvertes ; la nuit pleine d’étoiles et silencieuse m’attirait comme elle loin de tout ce bruit. Elle n’avait plus de vivacité ; je ne l’ai jamais vue si touchante. J’ai imploré du regard la bonne Clotilde, qui, prenant le bras de son neveu, nous a accompagnés dans les jardins. Ayant pris les devants, Blanche et moi, nous nous perdîmes bientôt dans les massifs. Elle jetait les yeux autour d’elle ; je la regardais et, bien qu’elle voulût sembler occupée de la beauté de la nuit, je voyais bien qu’elle n’était qu’à moi. Nous ne parlions pas. D’abord ce silence nous avait embarrassés ; maintenant, il nous charmait ; jamais on ne se dit plus haut : Je t’aime.

Tout à coup, la voix de la tante Clotilde se fit entendre à quelque distance ; elle appelait : Blanche ! mais faiblement, de ce ton de mère indulgente qui regrette de troubler l’enfant dans ses jeux et ne demande qu’à attendre encore. Je ne pus retenir cette exclamation : Déjà ! et je serrai le bras de Blanche contre mon cœur en l’entraînant hors du jardin, sur la plage déserte. Elle ne résista pas, tout en murmurant : Il faut retourner auprès de ma tante.

— Le bonheur est chose si courte ! lui répondis-je, retenons-le encore un instant !

— Vous ne croyez pas au bonheur ? me demanda-t-elle avec étonnement, et dans son regard levé sur moi