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personne. — Il faut te dire que la tante Clotilde n’a guère que la trentaine ; c’est une personne qui semble prétentieuse au premier abord, parce qu’elle fait des phrases un peu longues et trop sentimentales ; mais je la crois plus vraie qu’elle n’en a l’air et aussi bonne qu’elle affiche de l’être. Elle soupire et lève les yeux au ciel trop souvent, d’autant qu’elle est un peu rondelette pour le genre mélancolique, mais elle ne manque ni de charme ni d’esprit et paraît adorer sa nièce ; or, pour une femme jeune encore, ceci n’est pas sans mérite.

Mon voyage à Paris fournit à M. Plichon le sujet tout nouveau d’un long discours sur l’ancienne lenteur des voyages et leur actuelle rapidité. Pendant ce temps, je regardais Blanche, qui avait les yeux baissés, et dont les narines roses se gonflaient d’oppression intérieure. Son cœur devait battre fortement sans doute ; si près d’elle, il me semblait en entendre les battements et je les eusse ma foi comptés avec délices. Je ne songeais déjà plus à ma résolution de la quitter. Qu’elle était charmante dans son ressentiment ! Ses traits offraient un mélange de chagrin et de bouderie qui révélait sous la femme l’enfant encore.

— Oui, du temps de mon grand-père, résuma M. Plichon, on faisait son testament quand on allait à Paris, tandis que maintenant……

— Le voyage est encore bien long, m’écriai-je, emporté par le désir de consoler Blanche, et c’est bien peu qu’une vitesse de douze lieues à l’heure quand le désir d’arriver franchit l’espace d’un seul élan.

Je vis la tante Clotilde pousser le coude de sa nièce et