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où je regardais, l’horizon pâlissant se voila de couches bleues. Quand je tournai les yeux vers la mer, au contraire, je la vis en feu ; les rayons du soleil, qui s’enfonçait dans l’eau, semblaient se fondre dans cette fournaise. Un bruit que j’entendis à ma gauche m’en fit retirer mon regard tout ébloui et je ne pus distinguer que très-confusément, entre des nuages d’or et des nuages de poussière, un corps opaque roulant qui s’arrêta près de moi. M. de Montsalvan ! s’écria une voix de femme ; — C’est lui ! — Et que faites-vous là ?

Je connaissais toutes ces voix, et i y en avait une qui ne parlait pas et que j’entendais mieux que toutes les autres. Cette voiture contenait la famille Plichon. M. Plichon est le père de Blanche. Elle était avec sa tante et son père. Celui-ci fut d’abord un peu roide, mais la tante, après avoir regardé Blanche qui détournait son visage, aussi empourpré que le couchant, la tante me pria de monter, au moment même où M. Plichon, après m’avoir salué, ordonnait au cocher de repartir.

J’hésitais ; alors Blanche me regarda, et ce regard fut tel, que je m’élançai dans la calèche. J’étais à côté d’elle, moi qui croyais ne la plus revoir. Elle regardait toujours de l’autre côté.

— Vous avez donc été absent ? demanda M. Plichon.

Je prétendis qu’une affaire subite m’avait appelé à Paris.

— Sans vous laisser le temps d’aucun adieu ? observa la tante d’un ton de doux reproche.

— Oui, Mademoiselle, répliquai-je avec un accent de tristesse et de mystère, qui dut faire éclore mille suppositions dramatiques dans l’esprit de cette romanesque