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ONZIÈME LETTRE.

WILLIAM À GILBERT.

24 juillet.

Mon ami, l’homme propose et l’habitude dispose. Tu sais que je porterais volontiers la blouse, mais que je ne puis me passer de linge fin et blanc. Après un séjour d’une semaine dans ce village, où la population, même féminine, hélas ! est éminemment dépourvue de sentiment artistique, je ne me trouvais plus que des chemises couleur isabelle, chiffonnées et maculées au point que l’horreur de cette situation l’emporta sur toute prudence et que j’allai à Royan en acheter d’autres. En revenant à Saint-Palais, je regardais avec joie la manchette éclatante de blancheur qui s’enroulait autour de mon poignet, quand une pensée foudroyante m’arrêta court : dès le lendemain cette même manchette allait être livrée aux teinturières de Saint-Palais, et je devrais consumer en chemises le reste de ma fortune. Nous sommes réellement, pétris d’argile et le jouet des circonstances ; la fortune m’a changé ; pour la première fois une pensée d’économie a renversé mes projets. Ne voulant plus habiter Saint-Palais, je m’assis au bord du chemin pour résoudre ce problème : où irai-je ?

Question éternelle ! et qui m’absorba si bien, que l’ombre, du tamarin sous lequel j’étais assis, qui d’abord se détachait gracieuse et frêle sur la route inondée de soleil, disparut dans une ombre plus épaisse, tandis qu’à l’est