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veloppant, nous changeons sans cesse et notre horizon aussi, à mesure que nous marchons, change autour de nous. Les joies les plus vraies, sont-ce les premières ? Peut-être ; mais je n’en suis pas bien sûr. Plus je vis avec elle, et plus je m’élève, à ce qu’il me semble. Nous avons l’un sur l’autre ce pouvoir d’activer en nous les forces du sentiment et de la pensée. S’agrandir, n’est-ce pas devenir plus heureux ? Je le sens ainsi du moins.

Notre amour n’y peut perdre ; il s’augmente au contraire par des découvertes toujours nouvelles, par ce besoin profond que nous avons l’un de l’autre, par tant de bonheur échangé déjà, par tant de bonheur que nous nous gardons encore. Nous ne nous sommes point absorbés l’un dans l’autre ; l’absorption est un rêve, un despotisme ; c’est la mort d’une âme. Nous sommes restés distincts et indépendants, autant que l’amour le peut permettre, c’est-à-dire que notre pensée a gardé toute sa liberté et que nos volontés ne relèvent que d’elles-mêmes. Édith n’est pas de celles qui se donnent une seule fois pour toute la vie ; elle s’appartient, le sent et le fait sentir. Je suis toujours son amant et ne la respecte et ne la désire pas moins que le jour où, devenu libre, et sachant bien qu’elle m’aimait, je l’obtins pour fiancée. Elle est en face de moi comme les délices et le charme de ma vie ; mais aussi comme un être libre et clairvoyant, dont le jugement m’est plus précieux que celui de tout autre, dont l’estime m’est nécessaire autant que l’amour. Les élans de sa tendresse me sont toujours une grâce, une faveur, et, je te l’avoue, je l’admire tant, que je ne puis comprendre par quel miracle d’amour, ou quelle bonté de sa part,