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un besoin. Mais l’amour a ses exigences naturelles qu’on ne peut tromper et devient une souffrance quand il n’est pas payé de retour. Aucun de nous ne peut rendre à Clotilde ce que son âme inoccupée a besoin de donner. L’enfant lui-même a sa mère et moi qu’il préfère à elle. Elle avait demandé à Blanche de lui céder sa fille ; mais Prosper, qui adore ses enfants, n’a pu faire ce sacrifice. Je la gronde quelquefois de nous ravir Julien, et lui conseille sérieusement d’aviser à avoir des enfants elle-même ; mais elle est arrivée à l’âge de trente-six ans et ne peut plus, avec l’insouciance ou la confiance d’une jeune fille, épouser un parti, un inconnu.

En t’expliquant tout cela, il me vient l’idée que, vivant l’un près de l’autre, vous pourriez vous aimer. Elle n’a que cinq ans de plus que toi, elle est encore jeune et fort agréable ; tu la verras. Certes, elle saurait te faire oublier les mauvais jours, et n’aurait le tort que de te gâter. Je sais que, si tu acceptais son dévouement, tu ne serais point ingrat. Ma foi, ce serait drôle si je t’appelais mon oncle. N’en ris pas. Quand tu auras passé quelque temps au milieu de nous, et pressenti les joies de la famille, tu voudras en goûter aussi et savoir ce que ce peut être que de voir son enfant marcher pour la première fois, ou bégayer ses premiers mots. Julien lui aussi t’instruira, notre professeur. Viens-nous, viens-nous vite.

Faut-il enfin que je réponde à cette autre demande que tu m’adresses, touchant mon bonheur ? Il est des joies que l’âme ne confie point aux lèvres ; mais ce que je puis dire, je te le dirai. Non, mon ami, mon bonheur n’est plus le même. Il ne saurait l’être, car, en nous dé-