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je fendrai sans regret du soc de la charrue le sein de cette terre, en invoquant l’amour et le travail, dont les poésies ne sont pas inférieures à celles du sauvage et de l’inculte.

Voici l’heure où nous allons nous promener ensemble, Édith et moi. Je te quitte. Ma prochaine lettre t’annoncera le jour de mon arrivée à Paris. Courage, cher Gilbert. Tu vas retrouver ton compagnon plus fort et plus heureux que tu ne l’as jamais vu, et nous travaillerons ensemble à notre avenir.



CINQUANTE-NEUVIÈME LETTRE.

GILBERT À WILLIAM.

12 janvier 1847.

Ta lettre m’a rendu heureux pour toi ; mais, mon cher ami, tous les bonheurs ne sont pas les mêmes. Tu aimes, c’est bien, et tant que cela durera, tu seras charmé de ton sort ; mais moi je n’aime plus et même franchement je suis las de ce métier, métier de dupe. Il est douteux que je puisse aimer désormais ; et quand ? et qui ? Puis, il faudrait toujours pourvoir aux réalités de la vie, fort nécessaires, même pour un amoureux. Elles me sont offertes, mon cher, et je les accepte. Je sais que tu vas me blâmer, mais ma foi, je n’y puis rien. J’épouse le 20 de ce mois, tu vois que le jour est fixé, — Mlle Graeboffen. Elle n’est, j’en conviens, ni belle ni aimable ; mais depuis deux ans elle m’aime, ce qui de sa part est fort gracieux, et elle a six cent mille francs. Je t’avoue que