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nions à le savourer avec égoïsme. Il est pour nous une force, par conséquent un devoir de plus.

Cette lande inculte qui est là sous mes yeux et sans cesse les attire, c’est elle que je veux féconder, c’est par elle que je veux procurer à ce pays pauvre une plus large vie. C’est là que plus tard nous réaliserons le beau rêve d’Édith, en donnant aux enfants de ces campagnes de l’instruction et du pain. Je vais consacrer le reste de cet hiver à repasser mes livres de science : chimie, physique et géologie ; puis, au printemps, j’irai revêtir la blouse dans une ferme-école et me livrer aux travaux des champs. Je ne deviendrai l’époux d’Édith que lorsque je me serai senti maître dans cette science si vaste et si complexe des forces de la nature et de leur exploitation par l’homme. Leyrot défrichera les terres que je vais acheter, en attendant que j’y puisse moi-même mettre la semence. Les diamants de ma mère, auxquels jusqu’à présent je ne voulais point toucher, je les vends sans remords pour fonder notre œuvre et pour assurer notre bonheur.

Ma lande en ce moment déploie toutes ses pompes. Il fait un beau jour d’hiver, sec et brillant. La gelée de la nuit s’est fondue en vapeurs que le soleil a dissipées. Toutes les couleurs et toutes les nuances de l’arc-en-ciel se succèdent dans ce grand espace. Si belle dans sa stérilité, sans doute, elle le sera moins, féconde. Elle différera d’elle-même, comme la jeune fille folâtre et naïve diffère de la femme aux pleins contours, que l’amour à rendue mère. Mais c’est de même au nom de l’humanité, que cette transformation doit s’accomplir, et