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pour un temps plus long, elle si forte, si austère, si obéissante envers la justice.

Mais elle est à moi et je suis à elle. Nous voilà deux pour l’éternité. Comment cela s’est-il fait qu’elle ait consenti à notre bonheur ? que tout le monde y consente ? Je vais te le dire : c’est bien simple.

— Cette vérité que je sentais, que j’affirmais seul, l’inanité de tout lien sérieux entre Blanche et moi, Blanche elle-même l’a sentie et manifestée. Mon cher, notre sort commun ne tenait qu’à une pendule, et cette pendule a sonné l’heure de notre séparation. Dieu bénisse, où qu’il soit, le saint pape Gerbert !

Notre mariage était décidé plus que jamais ; on avait demandé les dispenses de bans ; on avait fixé le jour et les lettres d’invitation se préparaient ; tout cela, il est vrai, sur un ton assez triste ; car la ruine de la famille réprimait forcément tout éclat, toute fantaisie. On n’avait communiqué à M. Plichon la triste nouvelle qu’après son entière guérison et avec les plus grands ménagements. Elle ne l’en avait pas moins accablé ; après tant de rêves ambitieux, c’était un affreux réveil. Un autre coup était venu s’ajouter à celui-là et le rendre plus amer. Anténor vivait à Paris en fils de famille et ne ménageait rien, pas même sa santé peut-être, en dépit des nobles conseils de Forgeot. Des notes de tailleur et de chapelier, celle d’un dîner gigantesque et la réclamation d’un magasin de nouveautés qui avait fourni au jeune Plichon des mantelets et des robes de soie, étaient arrivées au Fougeré. M. Plichon s’aperçut ce jour-là que l’éducation de son fils était manquée et me le dit naïvement.