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je ne puis m’en prendre qu’à moi ; c’est que je dois me traiter d’imbécile, d’aveugle, de niais. J’aurais su toutes ces choses plutôt, si je l’avais voulu ; mais l’ambition, l’amour, une folle confiance, me fermaient les yeux. Ah ! tu avais bien raison de me dire un soir : — Cette femme n’a pas une vraie distinction ; elle n’est pas chaste, et elle ne t’aime pas. Je faillis me fâcher contre toi ; car j’étais ivre de sa beauté et de sa fortune, avantages si évidents qu’ils me laissaient tranquille sur tout le reste. Je n’avais jamais songé à rien soupçonner relativement à son origine et à son rang. Cet arbre généalogique étalé dans son antichambre, quelle effronterie !…

Mais je te parle comme si tu savais.

Les préparatifs de notre mariage se faisaient. L’autre jour, je rencontrai, chez les Balbou, Mlle Graeboffen, cette petite bossue si méchante que tu connais, qui me poursuit depuis deux ans de ses agaceries. Elle me fit encore tant d’avances, que je ne pus m’empêcher de l’inviter et, en dansant, elle me dit :

— Vous allez épouser la princesse Olga. C’est un beau parti ; cependant, à votre place, je voudrais savoir pourquoi elle n’est pas reçue chez l’ambassadeur de Russie. Cela paraît louche à beaucoup de gens.

Je répondis qu’elle n’y allait pas parce qu’elle n’y voulait pas aller ; Mlle Graeboffen sourit d’un air… enfin cela me trotta par la tête et j’allai à l’ambassade dès le lendemain. Un ami de Valabine, qui est là, m’a fourni d’amples renseignements et voici l’affreuse vérité : Olga n’est qu’une esclave circassienne élevée en Ukraine chez le vieux prince Babaïloff, dont elle est de-