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directeur, parti pour la Belgique, et de grandes dépenses avaient été faites pour l’établissement de la compagnie.

— Nous sommes ruinés, mes enfants, dit ma pauvre maman en joignant les mains. Je sais que votre père, je n’ai pu l’en empêcher, avait vendu toutes ses rentes pour acheter ces malheureuses actions. On les lui avait tant vantées, ajouta-t-elle, en se tournant vers Forgeot. Vous ne saviez donc pas, Monsieur, que ces gens-là étaient des voleurs ?

Forgeot était fort pâle et renversé sur sa chaise comme un homme foudroyé.

— J’allais les lui faire vendre, balbutia-t-il. Déjà ! Roblard est un misérable !

Ce déjà fut pour moi une révélation. Forgeot savait l’affaire véreuse et en était peut-être un des organisateurs. Sans doute, comme il le dit, il allait pousser son parent à vendre, en lui donnant des soupçons qu’il savait trop justes, et, s’il l’eût fait plutôt, M. Plichon eût été l’un des gagnants de ce jeu infâme. Mais à coquin, coquin et demi. Roblard avait pris les devants, ou les mesures de la justice avaient tout hâté.

— C’est un scandale de plus à porter au compte du système honteux qui règne, dis-je en regardant fixement Forgeot. Décidément, on va trop vite. Ceux qui se sentent compromis là dedans feront bien de suivre Roblard.

Il me regarda d’un air éperdu, comme si j’eusse voulu l’aider, et sans prendre garde à mon mépris. Sa conscience, je crois, n’existe plus.

Édith s’était approchée de sa mère, et, l’embrassant :

— Chère maman, nous travaillerons, dit-elle.