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ainsi, et que Prosper Goulineau joigne les myrtes de l’amour aux lauriers de la gloire ! Je ne voudrais pourtant pas, même au prix de mon salut, que le sang d’un de ces malheureux eût rendu Prosper plus aimable aux yeux de Blanche. Ayons de l’humanité, que diable ! puisque la femme douce et sensible, ce chef-d’œuvre de sentiment, se plaît aux sanglants trophées et chérit les pourfendeurs.

Et moi, qui donne ici dans la sottise commune de me piquer au vif, parce qu’on doute de ma valeur, je laisse toutes ces folies pour te dire, mon Gilbert, que j’espère un peu. M. Plichon, à ce qu’il paraît, est très-irrité de ma conduite. Il est au lit, malade d’une sorte de coup de sang, causé par les émotions de la journée. Il me reproche d’avoir compromis son honneur en traitant au lieu de combattre et de dissiper follement les restes de ma fortune. Il est certain que, sans cette clause du régime dotal, à laquelle je me suis, hélas ! engagé moi-même, il aurait déjà rompu le mariage. Malheureusement, cela le rassure. Cependant, grâce à son caractère irritable, que je ne compte point ménager, notre première entrevue peut être une rupture.

On vient de découvrir la source indiquée par le vieux. Il voyait donc bien. Parfois, l’espérance m’afflue au cœur, me monte au cerveau, m’enivre. Quelle attente !

L’heure du facteur est proche. Je te dis adieu. Envoie la somme immédiatement. Je tiens à être ponctuel, et il nous faut encore le temps d’acheter et de faire venir tant de sacs de blé.