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sion à ces pauvres gens, qui se fiaient si facilement à ma parole ; mais un coup de fusil parti des fenêtres pouvait tout perdre ; mes derniers mots avaient répandu la panique parmi ces esprits timides ; je la laissai agir et en moins de cinq minutes la cour se vida. Il n’y resta bientôt plus que Leyrot, que je congédiai en le remerciant. Clotilde vint nous ouvrir une fenêtre du rez-de-chaussée, et j’osai enlever dans mes bras ma chère Édith, que la joie maintenant rendait tremblante. Elle ne me dit rien ; mais, s’adressant à Blanche qui était là :

— Embrasse-le, c’est lui qui nous a sauvés.

Blanche répondit — d’un air qui, si l’on ne se respectait soi-même, vous donnerait envie de souffleter une femme :

— Oui, la diplomatie lui convient mieux que la guerre.

— Ma chère, lui répliquai-je, si vous aimez les spadassins, je n’en suis pas, et s’il faut être monté sur des cadavres pour vous paraître un héros, je consens à votre mépris.

Je lui tournais le dos quand je reconnus près d’elle Prosper Coulineau. Au bruit de l’émeute, exalté par les périls de sa belle, cet amant malheureux était accouru ; il avait pu pénétrer dans la maison en même temps qu’Édith en sortait et il était venu faire hommage à Blanche de son dévouement et de sa valeur. Cette action, et les discours de paladin que, dans son exaltation, le jeune homme aura tenus, mis en regard de ma conduite diplomatique et de mon peu d’égard pour les frayeurs inutiles, doit en effet m’avoir nui considérablement dans cet esprit puéril et romanesque. Fasse le ciel qu’il en soit