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Mais il refusa de s’expliquer et ne dit que des choses incohérentes, où je démêlai seulement qu’il avait de l’inquiétude, pour des motifs qu’il voulait cacher.

La maison était fort tranquille ; nous vîmes par une brèche du jardin la voiture arriver de Sanxenay ramenant la famille Plichon ; le jardinier rôdait dans la cour. Quoiqu’il fît une bise glaciale, je ne voulais pas rentrer, je suis toujours mieux dehors, et je continuai, pour dire quelque chose, de causer avec Leyrot de ce rêve commun à lui et à moi du défrichement de la lande. Je vis où il échouait. Comme presque tous les esprits ardents que leur but passionne, il compte pour peu le temps et les difficultés. Sa conception l’éblouit et lui cache tout le reste. Je me fis instruire par lui-même des détails de la pratique pour les lui représenter. J’exigeai qu’avant la moisson nous fissions le labourage, et nous commencions enfin le défrichement sur des bases à peu près sûres, quand une clameur et des coups frappés à la porte de la cour attirèrent notre attention.

— Les voilà ! s’écria Leyrot.

— Qui donc ?

— Eh ! ceux qui ont faim ! Aussi, Monsieur, pourquoi monsieur Plichon met-il là haut tant de blé qui ne fait rien ? Est-ce pas, dirait-on, à seule fin d’agacer les gens ? Mais pour moi, Monsieur, la vilaine chose que j’ai faite, vous savez, sera la première et la dernière. On peut bien après tout mourir de faim. Seulement je ne veux pas qu’on vous fasse de mal, ni à mamzelle Édith, et je cours chercher mon fusil pour vous défendre. Rentrez, ça ne sera pas long ; je l’ai caché dans le bois.